29 Jun
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Le 30 juin 2024 (13e dimanche du Temps de l’Église, Année B) 

«Jeune fille, je te le dis, lève-toi!» (Mc 5, 21-43)

 Un chef de synagogue nommé Jaïre supplie Jésus de venir guérir sa fillette qui agonise. Touché par l’amour d’un père, Jésus accepte et part sur le champ pour accomplir sa mission. Sur la route, une femme qui souffre d’hémorragies intercepte Jésus. En plus de souffrir dans son corps, à cause de pertes de sang permanentes, sa communauté la juge impure! Jésus guérit sa douleur physique et morale, à cause de son audace et de sa confiance. C’est à ce moment que Jaïre est averti du décès de sa fille. Les gens autour lui disent d’abandonner, car il est trop tard. Il n’y a plus rien à faire. 

Toutefois, avec Jésus, il n’est jamais trop tard. Celui-ci ne renonce pas: il entre chez Jaïre, saisit la main de l’enfant et la relève. Malgré les apparences, quand le mal et la souffrance semblent avoir le dessus dans nos vies, même si tout le monde nous dit le contraire, avec Jésus, il y a toujours de l’espérance. «Pourquoi pleurez-vous? L’enfant n’est pas morte. Elle dort.» Après avoir mis tout le monde à la porte, il entre avec les parents et ses disciples. Jésus n’est pas un clown qui fait des tours de magie pour le grand public. Ce qu’il offre, c’est un signe pour faire grandir la foi, pas pour la provoquer. «Jeune fille, je te le dis, lève-toi!» Aussitôt, la fille se lève et se met à marcher. À douze ans, la vie commence à peine. Sa vie sera désormais celle d’une femme debout, qui marche avec dignité.

Aujourd'hui, nous avons la chance de relire cet épisode à la lumière de la résurrection de Jésus et nous y découvrons une illustration de notre propre destinée. La fille de Jaïre est sortie des ténèbres de la mort et a pu poursuivre sa vie. La femme qui souffrait d’hémorragies a pu retrouver sa place au sein de la communauté et recouvrer sa dignité humaine. Nous aussi, par le baptême, nous sommes morts et ressuscités avec le Christ et nous sommes appelés à avancer dans la vie, sûrs de sa présence pour traverser les épreuves. Les difficultés de la vie comme les maladies, les injustices, les exclusions, les dépendances, les découragements, les désespoirs, et même la mort, n’ont plus le pouvoir d’avoir le dernier mot. «Talitha koum, dit Jésus. Lève-toi et marche, avance, traverse la tempête, n’aie pas peur, car je suis avec toi.»

 Illustration : « L’enfant malade », huile sur toile, 3e d’une série (1907) par Edvard Much, Galerie Thiel, Stockholm. 

« L’enfant malade » est un thème central dans l’expérience personnelle et dans l’œuvre du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944). Ce modèle d’une jeune adolescente repose sur ses souvenirs de sa sœur Sophie, morte de la tuberculose, une maladie alors incurable, à l’âge de 15 ans. L’artiste a aussi perdu sa mère âgée de la même maladie. Elle avait 33 ans et lui n’en avait que cinq. Munch, lui-même souvent malade, grandit avec la peur de la mort. Toute son œuvre évoque la maladie, la souffrance et la brièveté de la vie qui furent déterminantes dans la carrière de l’artiste. 

La première version de « L’enfant malade » a été créée en 1885-86 et, d’après les notes de Munch, elle lui demanda beaucoup de temps. Il voulait reproduire ses impressions devant sa sœur agonisante. Il a essayé d’exprimer quelque chose qui était difficile à capturer: le mouvement fatigué des paupières, les lèvres qui semblent chuchoter, le petit scintillement de la vie qui reste. Il existe six versions peintes du motif, réalisées entre 1885 et 1926, Munch ayant probablement estimé qu’il n’avait pas réussi à couvrir tous les différents aspects de sa mémoire de sa sœur mourante en une seule image. 

La version que j’ai choisie ici est la troisième, peinte en 1907. Dans un fauteuil est assise une jeune fille rousse, dont le bas est recouvert d’une couverture, tandis que le buste est adossé sur un coussin blanc. Son regard est dirigé vers une femme dont la tête est penchée vers elle en lui tenant la main. La surface de la toile présente des traits griffés de haut en bas par le manche du pinceau, symbolisant de manière dramatique la douleur et le chagrin. 

Le jeu des couleurs renforce le caractère dramatique de la situation. Le rouge des cheveux de la jeune fille et le teint pâle du visage renforce l’impression de ravage causé par la fièvre. Le fond blanc du coussin ou de l’oreiller impose pourtant un peu de lumière, tout en ramenant l’idée de l’issue fatale. Personnellement, j’y vois une évocation du combat entre la lumière et les ténèbres, aussi évoqué par les couleurs sombres à droite du tableau. Le noir représente très bien la fragilité, le désespoir et la mort. Pour moi, le contraste, bien qu’incontournable, rappelle que rien n’est définitif dans ces réalités. D’ailleurs, dans cette composition, la consolation s’exprime par la femme courbée qui repose sa main sur le bras de la fille. Elle veille anxieusement et amoureusement sur la jeune fille agonisante. C’est l’image de la peine, du deuil, mais aussi de la compassion que Munch retient face à la dureté de la maladie et à la fragilité de la vie. 

La tête en forme de crâne de l’enfant, qui évoque «Le cri», toile peinte par Munch en 1892, n’apporte pas beaucoup de réconfort, mais crée un lien avec notre commune humanité: nous sommes tous et toutes mortels. Dès lors, il ne s’agit plus seulement d’évoquer la mort de sa sœur ou la sienne, mais la condition universelle de l’humanité affrontant sa fragilité et sa destination finale. C’est ce qui donne toute sa puissance et sa force à l’œuvre. Elle ne dépeint plus la maladie de l’un d’entre nous, mais notre combat à tous et à toutes, face à la douleur et à la mort. 

Quel lien avec l’évangile de ce dimanche? La guérison de la femme qui souffrait d’hémorragies aussi bien que la résurrection de la fille de Jaïre, ne concernent plus seulement la guérison d’une femme et le retour à la vie d’une adolescente. C’est l’illustration de ce que le Seigneur ressuscité apporte à toute l’humanité: libération du mal et de la souffrance, la victoire sur la mort et la vie éternelle. Quel ami nous avons en Jésus, s’il réussit à transformer notre rapport à la vie, fragile et fatale, en une aventure de vie, ici et dans son Royaume, pour toujours!

 Bon dimanche! 

Claude

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