17 Nov
17Nov

«Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. (Mc 13, 24-32)

Dans l’évangile de ce dimanche, Marc nous présente Jésus qui prépare ses disciples à son retour dans un langage de fin du monde: le soleil qui s’obscurcit, la lune qui perd son éclat, les étoiles qui tombent! Le Fils de l’homme reviendra, dit-il, dans la nuée avec les anges qui rassembleront les élus des quatre coins de la terre. Ce style littéraire, bien connu des disciples, ressemble à l’Apocalypse, ce petit livre écrit en langage codé qui conclut le Nouveau Testament. Son but n’est pas de prédire l’avenir, mais de révéler une vérité profonde capable de nourrir l’espérance des croyants. Ce qu’il faut en comprendre, c’est que dans nos épreuves, quelles qu’elles soient et aussi dures soient-elles, Dieu n’oublie pas les siens. Quoi qu’il arrive en ce monde, Dieu arrivera à son heure et parviendra à ses fins. Pour nous, dans l’attente de ce jour, il faut prendre garde et le chercher lui, et pas un autre.

Le récit de ce jour concentre les sentiments d'optimisme et d'espérance qui étaient ceux de Jésus devant toutes les situations de sa vie, y compris les plus difficiles comme le drame de sa propre mort qui approche. Jésus annonce qu’il doit partir et que ce sera une expérience ardue pour ses disciples. Même après sa résurrection, il y aura une certaine distance, un manque, voire une attente parfois difficile. Néanmoins, Jésus affirme qu’il va revenir et révèle à ses disciples qu'en attendant son retour, son esprit sera à l’œuvre dans ce monde et que son travail discret et caché pourra être perçu par les yeux de la foi.

Pour nous qui croyons en Jésus, il est clair que le Christ est déjà venu. Il a offert sa vie pour nous réconcilier définitivement avec Dieu et pour nous ramener dans son Alliance. Désormais, Jésus, le Christ, attend que l'histoire du monde suive son cours jusqu'au moment prévu par le Père pour le renvoyer terminer son œuvre, qui est de rassembler tous les humains en un seul Corps, dont l’Église, notre communauté, notre petit groupe de partage ou de foi sont les signes sensibles et vivants.

Le terme de l'histoire humaine demeure le secret du Père. Même le Fils l'ignore, confie Jésus, ce qui signifie que pour nous aussi cela importe peu. Ce qui doit nous préoccuper, c’est plutôt de développer aujourd’hui notre espérance et notre foi dans le projet de Dieu qui se poursuit en notre monde. Pour cela, il faut apprendre à en découvrir les signes dès maintenant en regardant ce qui se passe et se vit de beau, de grand, et de bon autour de nous. Même lorsque nous sommes simultanément témoins de violences, de souffrances et de guerres sans fin, il faut encore et toujours se rappeler que ces réalités nous parlent plus de l’homme que de Dieu. Notre foi nous invite alors à croire que l'Esprit du Ressuscité continue d’être à l’œuvre dans le monde et elle nous enseigne que notre mission de baptisés est justement d’en découvrir les traces et de les faire connaître.

Illustration. «Les coquelicots», huile sur toile, réalisée par Claude Monet (1873). Musée d’Orsay, Paris.

Mon choix de tableau pour ce dimanche fait suite au Jour du Souvenir que l’on vient de célébrer. Chez nous, le coquelicot est porté en guise de promesse visuelle de ne jamais oublier les hommes et les femmes qui ont servi et se sont sacrifiés lors des conflits du passé. Le choix de ce symbole floral sacré a été inspiré par le poème «Au champ d'honneur» écrit le 3 mai 1915 par le lieutenant-colonel John McCrae, après qu'il eut présidé les funérailles d'un ami et frère d'armes.

Monet peint «Les coquelicots» alors qu’il vit à Argenteuil. La scène se déroule en plein air, ce qui accentue le caractère éphémère du moment capté. On observe des teintes chaudes et lumineuses, des détails à peine esquissés et une division des touches colorées. L’artiste marque ici un pas vers l’abstraction en diluant les contours et en se concentrant sur les dominantes de couleur. Monet nous invite à voir plus loin et plus en profondeur que le premier coup d’œil. C’est donc la lumière naturelle et les mouvements du champ de coquelicots qui constituent les véritables sujets du tableau. Les autres détails, incluant les personnages, servent de faire-valoir. 

Plus précisément, nous sommes ici placés face à un vaste champ, avec des coquelicots, principalement dans la partie gauche. Au premier plan, figure une femme avec ombrelle et chapeau de paille, probablement sa première femme, Camille Doncieux, accompagnée de son fils Jean, alors âgé de 6 ans. Au second plan, on voit un autre couple similaire au premier. L'arrière-plan, au fond du champ, est constitué d'une rangée d'arbres avec une maison. Les deux couples mère-enfant jalonnent une ligne oblique qui donne sa structure au tableau. La partie gauche est dominée par le rouge, la partie droite par un bleu-vert. 

Ce tableau est peint avant les deux Guerres mondiales du XXe siècle et les coquelicots y sont bien présents. Ils y fleuriront encore pendant et après les horreurs de ces conflits. Ils nous rappellent que, même si parfois les canons retentissent, ce sont la charrue et la faucille du paysan qui caractérisent l'idéal de fraternité humaine. D’une certaine manière, les coquelicots, comme la lumière que Monet cherche à exposer ici, représentent la force de l’humanité et la paix à laquelle elle aspire en toutes circonstances.

C’est bien l’appel que Jésus lance lui aussi aujourd’hui. Il nous invite à croire en sa présence au cœur de nos vies, même au milieu de nos peines et de nos difficultés, et à garder confiance en son ultime retour. D’ici là, les baptisés sont invités témoigner de leur foi et de leur espérance, à temps et à contretemps, comme les coquelicots qui poussent partout, même sur les champs de bataille!

Bon dimanche! 

Claude Pigeon

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.