«Avant que le coq ne chante, tu m'auras renié trois fois» (Jn 13:21-33, 36-38).
Alors qu'il était à table avec ses disciples, Jésus, troublé en esprit, déclara: «Je vous le dis en vérité, l'un d'entre vous me trahira». Les disciples se regardèrent l'un l'autre, se demandant de qui il s'agissait. Le disciple que Jésus aimait était couché à côté de lui; Simon Pierre lui fit signe de demander de qui il s'agissait. Il s'appuya donc sur la poitrine de Jésus et dit: «De qui s'agit-il, Seigneur? Il trempa le morceau de pain et le donna à Judas, fils de Simon Iscariote. Au même instant, après que Judas eut pris le pain, Satan entra en lui. Jésus dit alors: «Ce que tu vas faire, fais-le vite». Aucun des convives ne comprit pourquoi il disait cela. Comme Judas était responsable de la caisse commune, certains pensaient que Jésus lui disait: «Achète ce qu'il faut pour la fête», ou qu'il lui demandait de donner quelque chose aux pauvres. Dès que Judas eut pris le morceau de pain, il sortit. La nuit était tombée.
Quand il fut parti, Jésus dit: « Le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu le glorifiera à son tour en lui-même, et le glorifiera très bientôt. Mes petits enfants, je ne serai plus longtemps avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l'ai dit aux Juifs, là où je vais, vous ne pouvez pas venir».
Simon Pierre dit: «Seigneur, où vas-tu?». Jésus lui répondit: «Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant; tu me suivras plus tard». Pierre lui dit: «Pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant? Je donnerai ma vie pour toi. Donner sa vie pour moi? répondit Jésus. Je te le dis très solennellement: avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois.
Illustration: «Le reniement de Pierre», huile sur toile de Carl Heinrich Bloch (1834-1890) peinte en 1873, conservée au Brigham Young University Museum of Art, Provo, Utah.
L’artiste danois Carl Heinrich Bloch illustre bellement la page d’évangile de ce jour, où Jésus dit à Pierre: «Je te le dis très solennellement, avant que le coq ne chante, tu m'auras renié trois fois». Pierre occupe le devant de la scène. Au centre de la composition, un coq fixe Pierre. Le visage de ce dernier est tourné vers le sol et on peut y lire le poids et la souffrance de la honte. Pierre détourne son regard du coq, mais surtout de Jésus qui l’observe du haut des marches, alors qu'il est transféré par les soldats romains. Le reniement et les remords de Pierre sont un thème important de la Semaine Sainte, en lien avec le sacrement du pardon, mais aussi et plus encore, avec le salut qui est offert aux pécheurs que nous sommes. L’expérience de Pierre, à savoir son reniement malgré son amour pour Jésus, parle avec force à tous les chrétiens et chrétiennes. En effet, la figure de Pierre nous rappelle combien nous aussi, même avec toute notre bonne volonté, somme constamment appelés au repentir et à retrouver la grâce de l’amitié de Dieu.
À droite du tableau, des femmes qui se réchauffent les mains autour d'un fond de braises, reconnaissent Pierre, source de son déni de connaître le condamné. L'oeuvre représente Jésus et Pierre vêtus des mêmes habits rouges ce qui, pour les observateurs de la toile que nous sommes, crée une proximité visuelle entre les deux. Malgré la trahison de Pierre, ce lien étroit ne sera pas rompu. D'ailleurs, Pierre prendra bientôt la relève du Christ et dirigera son Église sur terre. On peut aussi observer le réalisme avec lequel l'herbe est peinte entre les pavés. Cette herbe verte, couleur de l’espérance, pourrait-elle évoquer l’Église qui va naître et se répandre bientôt sur toute la terre?
Avez-vous observé que le personnage de Pierre est surplombé d'un lion qui veille littéralement sur lui. Dans l'art chrétien, le lion symbolise généralement Jésus. Cela est dû en partie à la réputation du lion, comme «roi des animaux», mais aussi à une ancienne croyance selon laquelle les lionceaux naissaient morts et, après trois jours, étaient ramenés à la vie par le rugissement de leur père. Le livre de l'Apocalypse fait également référence à Jésus comme à un lion: «Ne pleurez pas. Le lion de la tribu de Juda, la racine de David, a triomphé» (Ap 5, 5). L’auteur des Chroniques de Narnia, C.S. Lewis, a proposé une représentation moderne de Jésus sous les traits du lion Aslan, le seul des personnages qui apparaît dans chacun de ses sept romans destinés à la jeunesse. Le lien est ici fascinant.
Un mot enfin sur le personnage quasi anodin du coq. Celui-ci pourrait passer inaperçu si on ne connaît pas ce passage relaté dans les quatre évangiles où le coq chante trois fois au petit matin, rappelant à Pierre son reniement annoncé par Jésus. C'est peut-être la raison pour laquelle nous beaucoup de nos clochers d'églises portent un coq à leur sommet. Le coq symbolise la faiblesse de l'humain et la grâce du Christian Boulett qui pardonne aux pécheurs repentants. En ce Mardi Saint, avec la figure de Pierre qui se reconnaît pécheur au chant du coq, nous nous rappelons que nous sommes tous et toutes pécheurs, mais des pécheurs pardonnés... Quelle espérance!
Bon Semaine Sainte, au cœur du jubilé de l’espérance!
Claude Pigeon, prêtre