16 Jun
16Jun

«C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit…» (Mc 4, 26-34)

Ce matin, Jésus révèle son secret aux disciples, sa nouvelle famille : le règne de Dieu. Ce Royaume, il est comme une semence qui grandit: une réalité d’abord insignifiante, mais qui indubitablement remplira l’univers. Par sa vie inspirée de l’évangile, l’humain participe à cette croissance, en jetant en terre la bonne nouvelle, en la partageant et en la vivant. Puis la puissance tranquille de Dieu fait le reste. «Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé.»

En relisant ce texte, je n’avais en tête que le chef-d’œuvre de Jean Giono, écrit en 1953. Celui-ci a repris vie pour le plus grand plaisir des petits et des grands, avec les images d’animation de l’artiste québécois Frédéric Back et la voix unique de Philippe Noiret. Il s'agit de «L’homme qui plantait des arbres». Véritable manifeste écologique et humaniste, le texte, comme le film, représentent pour moi une merveilleuse illustration de l’évangile de ce matin. Les paraboles du Royaume sont des enseignements pleins d’optimisme et d’espérance, comme l’histoire d’Elzéar Bouffier, ce berger solitaire qui, en plantant des arbres, a fait renaître au fil des ans tout un pays que la voracité humaine avait fait disparaître. Avec la même foi et la même espérance, chaque geste posé qui contribue à un peu plus de vérité, de justice, de paix et d’amour autour de moi fait advenir le Royaume de Dieu en ce monde.

Illustration : «L’homme qui plantait des arbres». Un texte de Jean Giono (1953). Texte disponible en ligne: https://lettres.ac-versailles.fr/IMG/pdf/jean_giono_-_l_homme_qui_plantait_des_arbres_pdf_1_2_.pdf  (ac-versailles.fr). Frédérick Back a réalisé, à partir du texte, un film d’animation avec une narration de Philippe Noiret (1987). (Pour le revoir : https://youtu.be/Kn7buHCHuQ4 ).

À propos de son texte, Jean Giono confie qu’il voulait «faire aimer à planter des arbres» et considère qu’il a réussi «par son personnage imaginaire». Dans ce court récit qui commence en 1913, le narrateur anonyme se promène en Haute-Provence. Un soir, il campe près d’un «squelette de village abandonné», au milieu d’une désolation sans pareille, où pourtant la vie avait déjà existé. Après une nuit de repos, il reprend sa route et finit par manquer d’eau. C’est alors qu’il rencontre le berger Elzéard Bouffier qui lui donne à boire de l'eau fraîche et l’invite à passer la nuit chez lui. Le visiteur se laisse apprivoiser par le style de vie du vieil homme qui, en plus de garder ses moutons, choisit chaque soir cent glands de chêne parmi les plus beaux et les plus robustes qu’il a trouvé, pour les planter le jour suivant, à travers ses tâches du quotidien. Depuis trois ans qu’il avait commencé, il avait déjà planté des milliers d’arbres dans sa solitude. Le visiteur finit par repartir. Peu après, il est appelé au front de la Première Guerre mondiale dont les horreurs lui feront oublier son ami et son projet forestier tout simple. Après l'armistice et le retour de la paix, le désir de revoir le berger planteur ressurgit. Il entreprend alors un pèlerinage annuel qui lui permettra de constater les progrès de ce coin de terre maintenant métamorphosé. Il constate que Bouffier diversifie son approche selon les besoins, se faisant apiculteur pour aider la pollinisation et diversifiant les espèces d’arbres qu’il plante. À sa mort, en 1947, le vieillard qui plantait des arbres avait réussi à faire revivre non seulement une forêt, mais aussi une flore, une faune, un village et toute la vie d’une région. Pour plusieurs, cette forêt était devenue un lieu magique, une forêt "naturelle", un lieu préservé qui aurait, croyait-on, toujours existé, intouché et préservé. Mais vous et moi savons que c’est grâce au travail discret et continu d’Elzéard Bouffier que la vie y est revenue.

Ce texte magnifique a connu un retentissement mondial. Il est considéré comme un manifeste écologiste et humaniste. Toutes les dimensions de l’évangile de ce dimanche s’y retrouvent: l’effort humble du semeur, sa patience et son humilité. La puissance tranquille de la Création qui fait grandir et croître la semence, que le semeur soit debout ou qu’il dorme. Quelle belle allégorie du Royaume pour un disciple de Jésus ! Tous ces gestes posés pour plus de justice, de paix et d’amour dans ma vie et autour de moi rendent le monde meilleur. Ce sont des semences d’humanité. Et parce que l’humain est image de Dieu, c’est son règne, son Royaume qui peut croître en nous et à travers nous. Elle se trouve ici la bonne nouvelle ce matin: chaque geste de bonté que je pose au nom de ma foi en Jésus fait advenir son règne de justice et de paix. La récolte viendra en son temps, celui de Dieu...

Bon dimanche!

Claude Pigeon

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