25 Aug
25Aug

«Voulez-vous partir, vous aussi?» (Jn 6, 60-69) 

S’il était facile de croire, nos églises manqueraient d’espace! Dieu continue d’envoyer sa Parole, son souffle, son Fils, dans le monde. Même si sa Parole ne retourne pas vers le ciel sans avoir accompli sa mission (Is. 55, 11), elle ne s’impose pas. Dieu ne recherche pas le succès ou les records de foules, il cherche à communiquer son amour. Et l’amour, ça ne se force pas. Dieu est une Parole offerte, qui doit être accueillie dans une relation de liberté et de confiance. 

C’est ici que se pose le problème de la foi. Comment entendre ou croire la Parole d’un Fils que l’on proclame être retourné vers son Père? La vérité, c’est que nous n’aurons jamais d’autre témoignage direct de la Résurrection du Christ que celui de ceux et celles qui en ont été témoins il y a 2 000 ans. C’est le défi d’un Dieu qui semble absent. Heureusement pour nous, demeure le témoignage de la vie des disciples qui, individuellement et communautairement, est imprégnée de gestes qui parlent de leur foi et de leur espérance: partage, solidarité, combat pour la justice, luttes pour les droits des minorités, etc. Puis, il y a leurs rassemblements, petits ou grands, simples ou grandioses, qui nourrissent cette foi. Elles rendent présente la personne même du Christ: par l’assemblée, les ministres, la Parole proclamée et le Pain et le Vin partagés, comme Jésus l’a commandé. 

Pour croire, il faut cesser de raisonner selon la chair, comme dit Jésus, selon notre condition terrestre, précaire et limitée. Si la Parole du Christ vient d’en haut, elle requiert une ouverture à l’Esprit de Dieu et le désir d’une vie spirituelle. On sait aujourd’hui combien la spiritualité est reconnue comme une dimension humaine fondamentale. Jésus affirme que cette soif intérieure a été déposée en nous par Dieu lui-même: «personne ne peut venir à moi, si cela ne lui est pas donné par le Père». En ce sens, la foi ne s’obtient pas et ne se trouve pas, elle est un don qu’il faut désirer et accueillir. 

En général, Dieu est discret et respectueux. Il fait signe à travers le témoignage de vie et de foi de personnes que l’on rencontre et qui nous bouleversent, par des amis.es qui croisent notre route et nous soutiennent en des temps de grandes difficultés, par l’intermédiaire d’un livre ou d’une parole qui ouvre notre cœur au message du Christ… Dieu ne manque pas de moyens pour faire signe à celui ou celle qui le cherche. Le chemin peut être long et sinueux. Aujourd’hui plus que jamais peut-être, mais à un moment donné, il surviendra un choix: prendre le risque de faire confiance ou non. La source d’eau vive est toujours là, devant moi. Mais je dois décider de tendre la main pour porter l’eau à ma bouche. 

Illustration. « Le penseur » (1880). Sculpture en bronze (180x98cm), par Auguste Rodin (Musée Rodin, Paris, France). 

L’œuvre que je vous suggère aujourd’hui est une sculpture bien connue d’Auguste Rodin (1840-1917). Toutefois, son origine nous est moins familière. L’artiste a créé sa première version du «Penseur» en 1880 et elle s’intitulait: «Le Poète». Le personnage, qui mesurait environ 70 cm, devait orner le tympan de «La Porte de l’Enfer», soit la porte d’entrée du futur musée des arts décoratifs de Paris qui devait ouvrir en 1882, mais dont le projet sera abandonné en cours de route. 

Le personnage représente à la fois l’artiste lui-même et Dante, l’auteur de «La Divine Comédie», qui a inspiré les scènes représentées sur «La porte». Le personnage à la double identité est penché en avant pour observer les cercles de l’Enfer, l’un méditant sur son œuvre littéraire, l’autre sur son interprétation sculpturale. «Le Penseur» était donc initialement à la fois un être au corps torturé, presque un damné, et un homme à l’esprit libre, décidé à transcender sa souffrance par la poésie. La pose du personnage possède une dimension traditionnelle, celle qui de tout temps avait signifié la méditation, et une autre très originale, par le choix du modèle. Rodin personnifie la pensée par un homme réel qui réfléchit durement. Figuré nu, il possède aussi une dimension universelle. 

Tout en gardant sa place dans l’ensemble monumental de «La Porte», «Le Penseur» fut exposé isolément dès 1888 et devint ainsi une œuvre autonome. Agrandi en 1904 pour être exposé à Londres, il prit une dimension monumentale qui accrut encore sa popularité. Cette image d’un homme athlétique plongé dans ses réflexions, mais dont le corps puissant suggère une grande capacité d’action et les moyens de la mettre en œuvre, est devenue l’une des sculptures les plus célèbres qui soient. 

Ce dimanche, le Christ, après avoir partagé son identité au groupe des Douze et aux disciples, les place devant un choix à la fois simple et radical: «Voulez-vous partir, vous aussi?» Si vous voulez recevoir la foi comme un don, vous devez me suivre. Pour être sérieux, ce choix demande réflexion et courage, car il vient avec des conséquences: développer une relation de confiance avec Dieu, donner un sens nouveau à sa vie et à ses actions, changer certains comportements peut-être, etc. Aimer, c’est faire de l’espace en soi pour l’autre et se redéfinir à son contact. Pour moi, «le Penseur» de Rodin exprime admirablement ce que représentent la réflexion et le discernement du croyant: un dialogue honnête avec soi-même et avec Dieu qui l'inspire, mais aussi la capacité de choisir librement et de passer à l’action avec détermination, si on le décide. La foi n’est pas une histoire à l’eau de rose et sa mise en œuvre se veut sérieuse et parfois exigeante. La récompense est proportionnelle: avoir accès au «Saint de Dieu» qui nous conduit au Père. 

Bon dimanche! 

Claude Pigeon

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