18 Feb
18Feb

«Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt, l’Esprit le pousse au désert». (Mc 1, 40-45)

J’ai lu cette semaine un court texte de Saint-Grégoire de Nazianze, archevêque de Constantinople (aujourd’hui Istanbul) au IVe siècle. Il commente l’évangile de ce dimanche, où Jésus, poussé par l’Esprit (quand même!), va vivre 40 jours dans le désert, tenté par Satan. Ce dernier personnifie très bien toutes les formes d’ambitions ou de tentations malsaines auxquelles nous devons faire face dans chacune de nos vies. Ce commentaire m’a aidé à relire l’évangile en regardant d’abord Jésus à qui j’ai été lié par mon baptême. J’ai été créé à l’image de Dieu et par le baptême j’ai été uni au Christ. Qu’est-ce que je fais de toute cette force en moi? Où est passée cette lumière, dont Jésus dit qu’elle ne doit pas rester sous le boisseau, mais briller pour toute la maison? Je me suis rappelé que toute la beauté du Carême réside dans un effort de relance de ma vie chrétienne et, ultimement, dans le renouvellement de mon baptême à Pâques. Je vous en partage un extrait.

«Fort de notre baptême, chacun de nous peut dire [au tentateur]: moi aussi je suis fait à l’image de Dieu, mais contrairement à toi, je ne suis pas encore devenu un paria du ciel par mon orgueil. J’ai revêtu le Christ; par mon baptême, je suis devenu un avec lui. C’est toi qui devrais te prosterner devant moi. À ces mots, il ne peut que se rendre et se retirer dans la honte; comme il s’est retiré devant le Christ, la lumière du monde, il s’éloignera de ceux qui sont illuminés par cette lumière. Tels sont les dons conférés par le baptême à ceux qui comprennent son pouvoir; tel le riche banquet qu’il dépose devant ceux qui ont faim des choses de l’Esprit.»

Comme vous, j’ai moi aussi vécu des moments de tentation où je me suis senti seul, à l’exception des bêtes sauvages! Un jour ou l’autre, nous sommes tous et toutes confrontés à des forces irrationnelles qui tentent de gâcher notre vie. Jésus l’a vécu aussi, cela nous est rappelé ce matin pour que nous ne nous sentions pas seuls dans nos déserts. Le Christ est ressorti plus fort de cette épreuve, comme cela est aussi possible pour nous. Bien sûr, lorsque j’étais au milieu d’un tel moment, je ne sentais pas la main de Dieu, mais plutôt la désolation et le désespoir. Pourtant, lorsque je regarde en arrière, je peux voir comment Dieu me façonnait.

Le désert est le lieu de la destruction et du danger. C’est là où il semble tentant et attirant de quitter son chemin, mais c’est aussi le lieu de la rencontre de Dieu. Jésus trouve le chemin que Dieu a tracé pour lui dans le désert à travers la prière. La prière est un moment sauvage, comme le silence du désert. Elle peut être dangereuse, car elle nous met en contact avec tout notre être, notre lumière, mais aussi nos ombres. Mais avec le temps et la pratique, la prière, même dans le désert, nous introduit à la paix de Dieu en Jésus-Christ. Elle nous mène à l’harmonie du désert de Jésus. Finalement, le Carême, comme expérience de prière au milieu de notre désert, est un temps de re-consécration à Dieu, un lieu où retrouver la force du Christ, une route pour renouveler la beauté et la lumière de mon baptême!

Illustration: La tentation du Christ sur la montagne, par Duccio di Buoninsegna (1308-11), conservé au Frick Madison Museum, New York.

J’ai choisi pour ce dimanche une représentation de la tentation de Jésus selon Mt 4, 8-11. D’abord, la couleur or du ciel évoque toutes les richesses proposées à Jésus. Sa tunique bleue (couleur royale) évoque le caractère sacré et puissant du moment. Les riches châteaux au pied de la scène illustrent les royaumes offerts à Jésus. Sur le plan de l’histoire de l’art, cette œuvre médiévale marque un passage entre un style byzantin (du style des icônes) et un style glorieux plus naturaliste qui va se développer pendant la Renaissance italienne. On le note, par exemple, en observant le visage plutôt réaliste de Jésus qui remplace les traits canoniques traditionnels des icônes. L’œuvre place aussi Satan comme un acteur principal. La bible le décrit peu, et l’histoire de l’art s’en réjouit, car au fil des siècles, ce sont les artistes qui lui ont donné forme et visage. Duccio, un contemporain de Dante, le représente avec des ailes de chauve-souris, animal démonique au Moyen-Âge, au lieu de lui donner des ailes d’oiseau, réservées aux anges. Les traits de Satan sont ici difficiles à définir, sombres et troubles, comme lui, qui œuvre à la tombée de la nuit, semant la confusion chez les humains et leur faisant perdre leurs repères de connaissance pour en faire des proies plus faciles. Les deux personnages centraux sont juxtaposés pour mieux montrer leur opposition. L’obscurité et la ténébrosité de Satan créent un contraste puissant et font éclater la lumière de Jésus, dont les idées, le message et l’enseignement sont clairs. Jésus, en position surélevée par rapport à son protagoniste, a le pouvoir de le chasser, ce qu’il fait d’ailleurs par le geste de la main qui devient le centre de la composition. Jésus bannit Satan, dont le corps est déjà en tourné vers l’extérieur de la scène avec ses jambes et ses pieds en mouvement. Seule sa tête, tournée vers Jésus, conduit le regard du spectateur que nous sommes, vers le Christ victorieux, qui se tient bien solide au centre de la scène, les pieds droits et bien ancrés sur le roc. Quant aux deux anges aux ailes d’oiseau, ils observent la scène, admiratifs et prêts à servir Jésus au terme de son épreuve de 40 jours.

Bon début de Carême!

Claude Pigeon

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