02 Jun
02Jun

«Prenez, ceci est mon corps.» (Mc 14, 12-16.22-26)

Un jour, dans une classe de catéchèse, un jeune me demande si je savais pourquoi ses parents insistaient pour qu’il vienne avec eux à la messe le dimanche. Ses parents étaient présents et attendaient ma réponse… J’ai fini par dire: «Parce que Jésus l’a demandé!» En effet, à la dernière Cène, Jésus a pris du pain et il a prié son Père pour lui dire merci. Ensuite, après avoir rompu le pain, il a dit à ses amis: "prenez, ceci est mon corps". Puis, après avoir pris une coupe de vin, il pria encore, il la partagea et après qu'ils en eurent tous bu, il ajouta: "ceci est mon sang, le sang de l'Alliance versé pour la multitude". L'évangéliste Luc ajoute le commandement de Jésus: «Vous ferez ceci en mémoire de moi!».

Faire mémoire, c’est bien plus que ce souvenir. C’est être emporté, transporté, impliqué, dans l’événement que l’on célèbre. Faire mémoire du dernier repas de Jésus, c’est accepter que Jésus continue de poser ses gestes et de prononcer ses paroles pour moi aujourd'hui. Je les accueille, comme j’accepte qu’il vit, meurt et ressuscite pour moi. La messe ce n’est pas un film «vintage», c’est une action dramatique qui se déroule devant moi en même temps que j'y consent et que j'y participe.

C’est la beauté et la grandeur de chaque eucharistie: elle concentre un faisceau de présences réelles de Jésus Ressuscité. Je suis convoqué par le Père et l’Esprit qui murmure en moi et me pousse à répondre à son invitation. Réuni avec mes frères et mes sœurs, je fais partie d’une assemblée qui est elle-même présence du Christ. J’accueille la Parole du Seigneur qui m’est adressée à travers des ministres au service de sa présence. Je suis nourri et transformé par le pain et le vin, le corps et le sang du Christ. Je suis "christifié". Puis, au terme de la messe, je repars vivre ce que je suis venu célébrer: la présence du Christ dans ma vie. C'est elle qui me donne la force et le courage de poursuivre mon aventure humaine, antichambre de mon aventure éternelle.

Illustration : «La table des enfants», huile sur toile par Charles Bertrand d’Entraygues (1882), collection privée.

L’œuvre que j’ai choisie ce matin est simple, belle et légère. Tout au long de sa carrière, Charles Bertrand d’Entraygues (1850-1929) a peint, avec une touche humoristique, des scènes d’intérieurs familiaux, des jeux d'enfants, des enfants de chœur espiègles et des images de rue anecdotiques. Exposée pour la première fois en 1882, au Salon des artistes de Paris, La Table des enfants présente une scène de la vie quotidienne. L’artiste y capture l’innocence et la spontanéité de l’enfance. Les couleurs et les détails sont caractéristiques du style réaliste de l’époque. La composition met en avant la complicité entre les jeunes protagonistes, leurs expressions et gestes reflétant leur insouciance et leur joie de vivre.

Des enfants de tous âges sont rassemblés autour d’une table de fête, recouverte de tissu blanc et remplie de nourriture. À gauche de la grande table, une porte ouverte encadre une vue sur les adultes qui profitent de leur propre célébration dans une pièce adjacente. L’accent, cependant, est mis sur la joie des enfants. Au centre, un des garçons se concentre intensément sur la mastication de sa nourriture pendant que les autres regardent, apparemment témoins d’une sorte de concours. Au premier plan, une petite fille, clairement désintéressée par la compétition des garçons, joue avec sa poupée, tandis qu’au bout de la table à gauche le tout-petit est complètement occulté par le bol géant basculé sur son visage. Même le chien de la famille se joint à l’amusement alors qu’il supplie pour des restes de table, après avoir abandonné son bol de nourriture placé sur le sol. Le cadre, bien que modeste, est clairement le foyer d’une famille de la classe moyenne provinciale, peut-être même celle de l’artiste.

Cette œuvre me rappelle que l’eucharistie demeure un repas de famille. Nous y vivons l’expérience d’être proches les uns des autres, malgré nos différences et nos divisions. Chacun y reçoit l’amour et la nourriture dont il a besoin pour continuer à vivre. Les plus belles messes de ma vie ont été les plus simples, les plus chaleureuses, les plus familiales. C’était avec des jeunes dans un gymnase d’école, sur des rochers ou des tables improvisées en Afghanistan, lors d’une visite de militaires partout dans le monde, dans une chambre d’hôpital avec un(e) mourant(e), ou encore avec des personnes âgées qui avaient soif du réconfort de Jésus Ressuscité… Chacune de ces eucharisties a creusé cette conviction en moi: c’est notre humanité que le Christ attend de nous, pour la transformer, en nous partageant la divinité qui est la sienne.

Bon dimanche du Corps et du Sang du Christ!

Claude Pigeon

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