21 Apr
21Apr

«Moi, je suis le bon pasteur; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent». (Jn 10, 11-18)

Pour la plupart d’entre nous, se faire traiter de «mouton» n’a rien de glorieux. Cette allusion aux ovidés, qui ont pour caractéristique de se déplacer en troupeau, constitue rarement un compliment. Être identifié comme un «suiveur» ou une «suiveuse» n’a rien de flatteur. Pourtant, pour qui a déjà visité une bergerie et rencontré un berger ou une bergère véritable, l’image prend un tout autre sens.

D’une part, l’instinct grégaire des moutons et des brebis leur a permis de devenir l’une des premières espèces domestiquées et prises en charge. D’autre part, leur esprit de groupe facilite la transition vers les pâturages et la sécurité de tout le troupeau. Cela dit, il serait faux de penser que ce dernier avance à l’aveugle. Il choisit à qui il obéit. Les moutons et les brebis savent identifier l’odeur et la voix du pasteur ou de la pasteure qui demeure avec eux et qui a fait ses preuves. Ils le ou la reconnaissent et lui font confiance. Tout comme ils acquiescent aux signaux du chien du berger qu’ils adoptent comme ange gardien et protecteur. Le pasteur ou la pasteure qui ne vit pas avec son troupeau et n’a pas su se faire reconnaître ne sera jamais accueilli.e ni suivi.e de bon gré.

La pensée que Jésus est le berger et que nous sommes les brebis se transforme ainsi en une image rassurante. Un berger ou une bergère connaît ses brebis et elles le connaissent. Ou du moins, ils apprennent à se reconnaître réciproquement. Assez pour que le berger soit en mesure de faire confiance au troupeau, lorsqu’il ou elle doit partir à la recherche de la brebis qui est perdue ou en danger. Il existe un lien mutuel d’amour et de dévouement, où les brebis font confiance à leur chef en même temps qu’il ou elle les garde sous sa protection et les fait grandir. Le but du berger c'est aussi de maintenir toutes les brebis en un seul troupeau, ensemble, unies. Chacune continue d'exprimer son individualité dans les champs, mais toutes sont unifiées comme un seul troupeau sous le même berger. Le rapport au groupe constitue un gage de soutien, de sécurité et de solidarité.

En ce 4e dimanche de Pâques, nous sommes invités à suivre Jésus. Cela n’a rien à voir avec se transformer en «Mouton de Panurge», comme Rabelais l’a raconté: il suffit que l’un se jette à l’eau pour les autres suivent! Non, la relation au Christ est unique, intérieure et personnelle. Mais lorsqu’on a éprouvé une expérience d’intimité avec lui, une autre proximité se crée avec ceux et celles qui l’ont aussi rencontré. Je ne suis plus seul pour croire et vivre ma foi. La communauté devient un nouveau moyen pour le Bon Berger de me montrer sa sollicitude et pour moi de m'engager à sa suite.

Illustration: «Le bon berger». Sculpture sur marbre, v. 300-320 Musée Pio Cristiano, Vatican.

Ce matin, je vous suggère de découvrir une sculpture du début du IVe siècle. Elle a été taillée alors que les persécutions chrétiennes se déroulaient encore dans tout l’Empire romain. Le berger dit «kriophoros», ou tenant un bélier ou un agneau sur ses épaules, constitue un thème bien enraciné dans l’art classique grec et romain, comme représentation du service et plus tard en tant qu’allégorie de la philanthropie. 

Il s’agissait à l’origine d’une scène païenne montrant un homme apportant son offrande à l’autel des dieux. C’était ainsi une image qui s’accordait bien avec la compréhension qu’avaient les premiers chrétiens d’un Berger divin qui donnerait sa vie pour son troupeau. Pendant les persécutions, ces représentations offraient l’avantage de s’adresser directement aux fidèles chrétiens sans attirer l’attention sur eux, car elles étaient également utilisées par des non-chrétiens. Les autorités romaines n’auraient donc pas su qu’il s’agissait d’une icône chrétienne.

On dénombre environ 26 de ces marbres de l’Antiquité incarnant Jésus en tant que Bon Berger. Le personnage est généralement imberbe et jeune et porte un mouton drapé sur les épaules. Le sculpteur de la présente version a incorporé la position «contrapposto», connue par le sculpteur grec Polyclète au Ve siècle av. J.-C., avec une jambe porteuse tendue et l’autre pliée naturellement lorsque le poids se déplace.

Bon temps pascal, en ce dimanche du Bon Pasteur!

Claude Pigeon

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