«Mes yeux ont vu le salut: lumière qui se révèle aux nations» (Lc 2, 34-35)
Quarante jours après la naissance de Jésus, Marie et Joseph se rendent au Temple. Suivant la tradition et par fidélité à Dieu, ils viennent consacrer à Dieu leur premier-né mâle. Ce sera un temps de rencontres et de commencements.
À peine né, Jésus se retrouve au cœur de l’action dans le Temple de Jérusalem, ce haut lieu sacré de la présence de Dieu en Israël. Ce ne sera pas la dernière fois. Ce jour-là, Syméon, un vieillard juste et pieux, qui avait reçu la promesse de voir le Messie avant de mourir, reconnaît dans ce nouveau-né le Sauveur attendu. Il le présente au milieu de l’assemblée comme «la lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à Israël», évoquant déjà la mission universelle de Jésus. Sans comprendre toute l’ampleur de cette révélation, Marie et Joseph se voient encore confirmés dans leur responsabilité d’accompagner et de protéger cet enfant au destin unique. Poursuivant sa prophétie, Syméon évoque le glaive qui traversera l'âme de Marie, une allusion à la douleur qu'elle ressentira lors de la crucifixion de son Fils.
Si l’enfance de Jésus nous est peu connue, ce récit de la Présentation du Seigneur au Temple va droit au but. Jésus est le Messie attendu. Le salut qu’il offre gratuitement de la part du Père est ouvert à tous et à toutes avec une urgence pour les pauvres, les exclus et les malheureux. Dans la Bible on parle des «anawims». En hébreu, ce mot signifie «les modestes» ou «les humbles», comme Syméon et Anne. Il désigne aussi les pauvres, les opprimés ou les démunis, qui malgré tout restent fidèles à Dieu et à ses enseignements. Ce sont ces personnes qui n’ont rien à perdre, mais tout à gagner, en commençant une nouvelle vie!
Toute sa vie, Jésus accueillera sans juger, guérira, pardonnera, rendra possible la réconciliation et réintégrera les exclus dans la communauté et dans une relation intime avec Dieu, rendant à nouveau possible l’espérance. En revanche, accepter que sa vie soit changée, c’est aussi s’engager à partager avec les autres cette réalité nouvelle que l’on a commencé à goûter et à vivre pleinement, comme un avant-goût de la vie à venir, dans le royaume du Père. Cette vie à venir, elle commence dès maintenant ! Mais il faut y mettre du sien. Le Seigneur apporte la lumière pour éclairer la route, mais c’est nous qui devons continuer de marcher pour avancer.
Illustration. « La crêperie» huile sur panneau peinte en 1560 par Pieter Aertsen, (1508-1575), Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam.
Puisque le 2 février tombe cette année un dimanche, la liturgie cède le pas à la fête de la Présentation de Jésus au Temple, toujours célébrée quarante jours après Noël. Cette fête est également connue sous le titre de «Chandeleur» (pensez à chandelles) ou «fête de la lumière», en raison du verset de l’évangile de la messe annonçant Jésus comme «lumière pour éclairer les nations». Elle a été aussi longtemps désignée comme la fête de la Purification de la Vierge Marie. Dans la liturgie byzantine, elle est désignée comme «hypapante», fête de la rencontre.
En Occident, son origine remonte au Ve siècle, alors le pape Gélase christianise les Lupercales, fêtes consacrées à Lupercus, dieu romain de la fécondité célébré le 15 février, autour de la fin de l'année selon le calendrier de l'époque. La tradition était déjà établie d’une procession aux chandelles autour de Rome et d’une distribution des galettes (une sorte de crêpe salée) offertes aux pèlerins pauvres venus à Rome pour la procession, d’où l’association de la fête aux crêpes. La procession aux chandelles qui se tenait la première nuit de ce festival devient alors une célébration du Christ Lumière. On maintient aussi la distribution de galettes de céréales, rondes comme le soleil, que l'on offre aux nombreux pèlerins qui viennent à Rome pour la fin du cycle de Noël.
La tradition des cierges et des crêpes de la Chandeleur s’est maintenue, jusqu’à traverser l’Atlantique avec les colons français arrivés en Nouvelle-France. La Chandeleur était considérée comme la «Journée des crêpes». On dit aussi qu’avec leur forme ronde et leur couleur dorée -rappelant le disque solaire- elles sont devenues signe de joie à mesure que les jours commençaient à s’allonger et que le printemps approchait. Pas mal plus inspirant que le jour de la marmotte, si je peux me permettre! Par contre, il faut accorder aux Anglo-saxons qu’ils ont bien préservé la tradition des crêpes pour le Mardi gras avec le « Pancake Day » ou « Shrove Tuesday », jour qui au Québec donnait lieu à d’autres célébrations avant le carême, comme les soirées de danse costumées, ou «mascarades», encore bien vivantes à L’Île-aux-Coudres. On préparait aussi de la tire avec le sucre ou la mélasse avant la privation du carême, et souvent des crêpes pour passer les œufs, le beurre et le lait, dont on allait également se priver pendant 40 jours.
Enfin, dans plusieurs paroisses, on a maintenu la tradition de bénir des cierges que les gens peuvent apporter chez eux et allumer pour prier. Autrefois, on les sortait lors de tempêtes en signe de protection. Il faut se rappeler qu'au Québec, avant l’électrification rurale, le risque d’incendie causé par la foudre était important. Enfin, on allumait ces cierges lorsque le prêtre apportait la communion en viatique ou venait offrir les derniers sacrements à un membre de la maisonnée.
Le tableau que je vous propose aujourd’hui évoque la tradition des crêpes avant le carême. Son auteur, Pieter Aertsen, également connu sous le nom de "Lange Pier" (Pierre le Long), était un peintre hollandais né en 1508 à Amsterdam et décédé le 3 juin 1575 dans la même ville. Il est célèbre pour ses scènes de genre et ses natures mortes, souvent avec des scènes bibliques en arrière-plan. Une de ses œuvres notables est "La Cuisine des crêpes" de 1560, qui représente une scène de cuisson de crêpes. Sans être associée directement au Mardi gras, cette scène de repas familial évoque une rencontre familiale où les crêpes sont à l’honneur, comme à la Chandeleur. Vive les petites crêpes rondes qui évoquent l'astre du soleil et son retour progressif en ce début de février boréal! Et vive le Christ, Lumière des Nations!
Bon jubilé de l’espérance, vécu ensemble de dimanche en dimanche!
Claude Pigeon