11 Aug
11Aug

«Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel» (Jn 6, 41-51)

Après avoir été témoins de la multiplication des pains, les foules continuent de suivre Jésus et lui demandent d’autres signes afin de croire. Elles n’ont pas encore compris. Nous ne sommes pas si différents: «Si tu me donnes ceci, je ne douterai plus de toi ou je ferai ceci ou cela pour te plaire». Souvent, nous cherchons à obtenir de Jésus autre chose que ce qu’il veut nous offrir, qui est plus grand encore. Ce qui l'intéresse c’est que notre aventure humaine nous prépare à vivre avec Lui et son Père dans le Royaume des cieux. Notre vie présente, à la fois exigeante et merveilleuse, nous y prépare. 

Je prie pour une guérison immédiate, et à la place je découvre près de moi des personnes qui me soutiennent. Je rêve d’un emploi que j'imagine extraordinaire, et au lieu de cela je décroche un travail qui va me permettre de rencontrer la personne qui partagera ma vie. Je demande à être libéré d’une épreuve, et elle reste là, mais jour après jour, je deviens plus fort et j’apprends à vivre autrement, mieux encore qu’auparavant. Les grandes figures au service des œuvres de charité, celles qui font une différence dans notre société, sont souvent des personnes qui ont traversées de terribles épreuves. Comment cela est-il possible? En laissant le Christ transformer mon regard, Lui, qui se présente comme le vrai pain venu du ciel.

Lorsqu’une assemblée chrétienne se forme, la Parole de Dieu qui est accueillie et le Pain de l’Eucharistie qui est partagé, c’est Dieu lui-même. Notre rassemblement nous révèle les uns aux autres comme faisant partie d’un corps plus grand que nous. La Parole proclamée devient lumière pour la route. Le pain partagé, nous ne l’assimilons pas, c’est lui qui nous assimile. Quand nous mangeons le pain eucharistique, quand nous recevons et accueillons le Christ, c’est lui qui nous incorpore à lui.

De dimanche en dimanche, la messe m’aide à vivre ma vie comme un pèlerinage où, avec d’autres, je marche de relais en relais, de source en source, de sommet en sommet, avant de retourner vivre ma vie dans la vallée du quotidien.

Illustration: «Corbeille de pain», huile sur toile par Dali (1926), Salvator Dali Museum, St Petersburg (Floride)

Cette toile fut la première de Dalí exposée hors d'Espagne lors de l'exposition internationale du Carnegie Institute de Pittsburgh de 1928. Cette œuvre de jeunesse est réalisée à la fin de ses études d'art à Madrid, alors qu'il étudiait les maîtres hollandais. Il lui faut quatre mois pour l’achever, alors qu'il joue avec diverses compositions et développe ses techniques. À 22 ans, l'artiste y démontre déjà la pleine possession de ses moyens picturaux.

Dali a tenté de créer un rendu intense et dramatique d'un objet quotidien et primordial à toutes les cultures: le pain. Il crée cette peinture comme un test pour lui-même. Après coup, il s'en dira fier et sentira qu'il peut désormais s'aventurer dans des compositions plus surréalistes, ayant maîtrisé la représentation d'un simple pain comme une composition dramatique autonome. 

Représentée de façon très réaliste dans un clair-obscur très classique, une corbeille de pain en osier est présentée avec quatre tranches de pain, l'une d'entre elles est séparée des autres, beurrée et croquée. L'ensemble est posé sur une nappe blanche faisant de nombreuses volutes, selon une tradition espagnole des natures mortes, selon laquelle une scène domestique a toujours une valeur spirituelle. Au centre, l'envers de la nappe est représenté laissant apparaître les détails du tissu de façon très nette. Le fond sombre, voire noir, amplifie l’effet de la lumière blanche crue qui semble vitrifier la scène. En saturant le panier de pain d'une lumière si mystérieuse, Dali transforme la composition en un objet de profonde contemplation. Il nous présente l’effet mystérieux de la lumière sur les objets.

Le contempler comme le Pain de Vie, c'est ce que Jésus veut que nous fassions dans l’évangile de ce dimanche. La manne au désert (1re lecture dimanche dernier), le pain venu du ciel qui sauve la vie du prophète Élie (1re lecture aujourd’hui) et la multiplication des pains, sont des événements qui éclairent le discours de Jésus sur le pain de vie qui culminera à la Dernière Cène. L’eucharistie ne doit pas pour autant nous faire oublier les faims humaines. Si nous devenons ce que nous mangeons, le Pain de Vie, le Corps du Christ, nous devenons nous aussi nourriture pour les autres et gardons notre responsabilité de nourrir les personnes qui nous entourent, matériellement et spirituellement. Je repense à toutes les personnes qui ont joué un rôle important dans ma vie, je pense à ma famille, à mes professeurs, à mes collègues de travail, à mes amis, aux prêtres, à des personnes qui m'ont nourri et alimenté spirituellement, professionnellement. Elles ont été comme du bon pain pour moi. 

Et nous pouvons aussi être du pain pour les gens qui nous entourent et nourrir la vie de quelqu'un d'autre. Par notre amour, notre compassion, notre pardon, notre patience, notre témoignage, nous pouvons être ce pain pour les autres. Comme le pain dans notre tableau qui est préparé, tranché et beurré... prêt à être distribué à quelqu'un qui a faim dans son corps ou dans son âme autour de nous. Nourris du Pain de Vie, nous ne pouvons que devenir du bon pain pour les autres aussi.

Bon dimanche!

Claude Pigeon

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