«Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; je vous appelle mes amis». (Jn 15, 9-17)
Cette semaine, un géant de la chanson québécoise nous a quittés: Jean-Pierre Ferland. Les témoignages d’affection et d’admiration sont unanimes pour dire merci à ce grand « Petit roi ». Tout le monde a son air ou son refrain préféré. Pour moi, c’est «Une chance qu’on s’a». Il m’arrive souvent d’utiliser cette expression devenue courante chez nous à la fin d’une rencontre avec des amis, surtout après avoir partagé des émotions plus intimes ou difficiles. Je lance alors: «une chance qu’on s’a»! Puis, on part à rire, ou à pleurer. C’est en plein ce dont il est question dans l’évangile de ce dimanche. Et c’est encore plus profond, car il s’agit de Jésus, notre frère, et de Dieu, notre Père, puis de nous autres.
Jésus parle d’amitié. Il a dit à ses disciples: « Je vous appelle mes amis ». Nous avons tous et toutes besoin d’amis. Comme nous, Jésus a recherché des amis proches. Il les a choisis parmi ses disciples et en a fait ses apôtres, ses envoyés! Ils ont poursuivi sa mission et prolongé sa présence jusqu’à nous. Le problème dans notre monde trépidant est de trouver le temps de créer et de maintenir des amitiés authentiques. Où trouvons-nous de véritables bons amis? Hors ligne, en ligne? Être capable de passer autant de temps sur nos téléphones et ordinateurs a certainement rendu plus facile de rester en contact avec des amis, mais en même temps, beaucoup de nos relations sont peut-être devenues plus superficielles. Jésus ne trompe pas dans ses engagements, il va jusqu’à donner sa vie pour ses amis. En voilà un sur qui nous pourrons toujours compter!
Illustration: «La fable du lion et de la souris », huile sur toile de Frans Snyders (1579-1657) et Paul Rubens (1577-1640), deux peintres baroques de l’école flamande. Les deux artistes ont réalisé plusieurs versions de cette même œuvre. Celle-ci est commune et conservée dans la salle à manger du château de Canisy (France).
L’œuvre que j’ai retenue pour illustrer l’évangile de ce matin raconte une fable de l’antiquité grecque, attribuée à Ésope. Parfois, le plus petit des amis peut avoir le plus grand impact dans nos vies. D'ailleurs, ce sont le plus souvent ceux et celles que nous ne voyons pas souvent ou qui ont l’air de rien qui sont là pour nous, lorsque nous avons cruellement besoin de soutien. La moindre des amitiés compte. C’est ce qu’illustre en toute simplicité l’histoire du lion et de la souris.
Un jour, un lion dormait dans sa tanière. Une petite souris jouait à proximité. Par accident, celle-ci courut sur le dos du lion, ce qui le réveilla. Le lion attrapa la souris. Alors qu’il s’apprêtait à la tuer pour la manger, elle le supplia: -«Je suis une petite créature. S’il te plaît, épargne-moi.» Le lion eut pitié de la souris, lui sourit et la laissa partir. Quelques jours après, le lion marchait dans la jungle, mais se retrouva pris dans un filet de chasseur. Il rugissait et se débattait pour sortir du filet, mais c’était peine perdue. Il était piégé. La souris entendit ses rugissements et s'approcha vers le lion et lui dit: «S’il te plaît, ne rugis pas. Je vais te libérer. La petite souris rongea les mailles du filet et le lion retrouva sa liberté».
Cette fable d’Ésope sera reprise par La Fontaine. Snyders et Rubens l’illustrent ici en mettant en scène un magnifique félin pris au piège dans un filet de braconnier. L’animal apparaît dans toute sa splendeur et sa force. Pourtant, coincé et prisonnier dans les mailles du filet, il devient complètement vulnérable et se retrouve à la merci du braconnier qui ne saurait tarder à arriver. La petite souris, que l’on peine à voir, totalement à gauche, à la base du filet, ronge le lien qui retient le filet à l’arbre. C’est elle, minuscule et quasi invisible, qui viendra faire toute la différence dans l’histoire du grand roi de la jungle. Quelle belle représentation de la façon dont le plus petit ou la plus petite des amis peut compter dans nos vies. Quel bonheur de savoir que Jésus nous appelle ses amis. Un pacte d’amitié l’unit à nous et nous à lui. Ne dit-on pas aussi que les amis de nos amis sont nos amis ? Voilà que naît la communauté des amis de Jésus, l’Église.
Bon temps pascal!
Claude Pigeon