«Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux!» (Lc 19, 38)
Depuis notre entrée en carême, nous avons préparé nos cœurs pour mieux vivre la célébration du mystère pascal. Nous entrons aujourd’hui dans cette sainte semaine en célébrant le dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur. Aujourd’hui, Jésus est accueilli à Jérusalem par une foule en liesse, brandissant des rameaux en signe de respect et d’espérance.
Les rameaux que nous avons utilisés l’an dernier ont déjà été brûlés puis réduits en cendres pour marquer nos fronts lors de notre entrée en carême. Ceux que nous bénissons aujourd’hui symbolisent la paix, la victoire et notre foi. Ils nous rappellent également que, malgré les événements tragiques nous allons célébrer dans les prochains jours, l’arrestation, le jugement, la condamnation, la passion et la mise à mort du Christ sur la croix, la victoire de la résurrection est déjà acquise, tout comme dans nos vies.
Puissions-nous, comme cette foule d’autrefois, accueillir Jésus avec un cœur sincère et ouvert. Cette sainte semaine offre aux chrétiens et aux chrétiennes une occasion de réflexion, de prière et de renouveau spirituel.
Icone: «L’entrée de Jésus à Jérusalem», École de Novgorod.
L'école de Novgorod est un mouvement artistique qui s’épanouit du XIe au XVIe siècle dans la ville de Novgorod en Russie. Alors que la Russie était en pleine crise artistique, l’Église Orthodoxe invite des artistes grecques pour "rehausser" le niveau iconographique et stylistique. Cet échange sera particulièrement fructueux. Parmi les noms qui traverseront le temps, on connaît Théophane le Grec (vers 1335-1410). Les artistes de Novgorod ont conservé la tradition byzantine tout en introduisant des couleurs plus claires, des formes plus plates, un adoucissement des types faciaux, et l'utilisation croissante d'une ligne gracieuse et rythmique pour définir la forme.
L’icône que je vous propose pour ce dimanche des Rameaux représente l’Entrée de Jésus à Jérusalem. Malgré les événements dramatiques de la semaine pascale qui commence, elle exprime, avec foi et espérance, la joie du triomphe de Jésus.
Jésus occupe le plan central de l’icône. Il est monté sur un âne blanc, couleur du triomphe. Cette monture modeste exprime le caractère humble et pacifique de son règne. Jésus n’entre pas à Jérusalem en vainqueur triomphant comme les rois sur des chevaux après leur victoire guerrière. Jésus démontre ainsi quel genre de Royaume il veut instaurer.
Ce choix de l’âne accomplit aussi des prophéties bibliques, comme Isaïe 62, 11 et Zacharie 9, 9. Cette scène illustre également que Jésus n’est pas le type de Messie attendu par son peuple. On attendait un roi conquérant et libérateur. Son triomphe se manifestera plutôt par son amour humble et dépouillé de lui-même au point de se laisser crucifier quelques jours plus tard.
Deux groupes entourent Jésus: à sa gauche, ses disciples qui le suivent depuis le désert de Judée signifié par la montagne derrière eux; et à sa droite, une foule sortant de Jérusalem, d’où certaines personnes l’acclament, d’autres s’opposent et résistent à sa venue.
La foule scande sa joie en reprenant les mots du psaume: «Béni soit au nom du Seigneur, celui qui vient!» (Ps 117, 26). Pour manifester ses acclamations, la foule jette aux pieds de Jésus des palmes et des rameaux d’olivier. Chacune de ces branches d’arbres a sa signification symbolique. La palme exprime la victoire et l’olivier exprime la paix et l’onction. À l’arrière-plan de l’icône, bien au centre et témoin de toute la scène, un arbre préfigure l’Arbre de vie que sera la Croix.
Ironiquement, la même foule qui chante aujourd’hui «Hosanna au fils de David!» (Mt 21, 9), scandera bientôt: «Il en a sauvé d'autres: qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu! (Lc 23, 35)». Les soldats l'injurieront de la même manière, puis l'un des deux malfaiteurs crucifié avec lui: «Sauve-toi toi-même, et nous aussi!» (Lc 23, 39). C'est bien ce que Jésus fera, mais non pas de la façon dont le peuple prévoyait. L'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem est marquée par la reprise du mot hébreu «Hosanna», qui avait perdu sa force et son sens primitif au temps de Jésus. Le fait qu’il resurgisse sur les lèvres de la foule révèle l’attente profonde du messie et l'ampleur de sa déception dans les jours qui vont venir.
Un rôle important est attribué aux enfants dans cette icône. Ces petits personnages à l’avant-plan sont les seuls à étendre leurs manteaux au passage de Jésus. Et en y regardant de plus près, nous remarquons que leurs corps ne sont pas des corps d’enfants, mais d’adultes, tout comme le personnage qui coupe des branches dans l'arbre. Ceci rappelle l’enseignement de Jésus qu'il faut redevenir comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume des Cieux (Lc 18, 15-17). Quel que soit notre âge, un cœur d’enfant est nécessaire pour être capable de nous dépouiller afin d’accueillir pleinement Jésus, notre Sauveur.
En ce dimanche des Rameaux, jetons aux pieds de Jésus nos propres manteaux! Ce peut être des biens matériels encombrants, des fausses sécurités, des désirs mal orientés, etc. Allons au-devant de lui pour lui rendre hommage par nos louanges d’action de grâce et de reconnaissance, pour son amour tendre et miséricordieux, capable de triompher sur le mal et de redonner la paix!
Bon Semaine Sainte, au cœur du jubilé de l’espérance!
Claude Pigeon, prêtre