07 Jul
07Jul

«Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison!» (Mc 6, 1-6)

Dans l’évangile de ce dimanche, nous retrouvons Jésus dans sa ville natale avec ses disciples. Le jour du sabbat arrivé, il se met à enseigner dans la synagogue. La plupart des gens sont étonnés de l'entendre. Déjà, on sait que les autorités religieuses doutent de Jésus. Maintenant, ce sont les siens, ceux et celles qui l’ont vu grandir, qui prennent leur distance. Ils disaient: «D’où cela lui vient-il? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous?»

Les origines humaines humbles de Jésus font problème. Son appartenance à la lignée de David ne fait pas le poids face à son manque de richesses et de luxe. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’intéresse davantage aux gens riches et célèbres, plutôt qu’à ceux qui disent la vérité! N’étant pas le disciple apparent d’un grand maître, Jésus était connu par ses parents et son clan familial, mais considéré comme juste «l’un d’entre eux», car sans traits exceptionnels. Il est trop «comme nous» pour être le Fils de Dieu.

Nonobstant la perplexité et l’hostilité qu’il rencontre, Jésus n’en demeure pas moins le Fils de Dieu, doté d’une sagesse et d’une puissance qui lui viennent de son Père qui l’a envoyé dans le monde comme sauveur. Devant leur manque de confiance, Jésus répond par un proverbe connu en son temps: «Un prophète n'est méprisé que dans son propre pays, parmi ses propres relations et dans sa propre maison». Et parce que les miracles supposent la foi, qu’ils viennent confirmer, Jésus ne fera chez lui aucun miracle, bien qu'il guérisse quelques malades en leur imposant les mains. Le rendez-vous manqué n’est pas celui de la puissance de Jésus, mais celui de la foi. Jésus ne tire pas sa récompense de son succès, mais de sa fidélité à la mission qu'il a reçu, tout comme l’Église et nos communautés chrétiennes.

Rejeté chez lui, Jésus poursuit son chemin pour enseigner et semer son message dans les villages des alentours. La foi qu’il y trouve devient un terreau fertile pour la croissance du Royaume. Son message demeure le même, car son rejet par les uns n’empêche pas l’adhésion de d’autres. Face à ce prophète, également Fils de Dieu, la liberté demeure totale. L’offre est gratuite et universelle; la réponse est libre et personnelle. Les miracles ne viennent qu’après. Et le plus grand d’entre eux, c’est la présence du Christ avec nous chaque jour de notre vie, dans tout ce qui compose la trame de nos existences, même le plus anecdotique.

Illustration: «La carriole rouge», huile sur toile par Clarence Gagnon (1924-25), Musée national des beaux-arts du Québec.

L’artiste québécois Clarence Gagnon (1881-1942), d’abord encouragé au dessin par sa mère, se forme à Montréal, puis à Paris, où il reviendra régulièrement. De plus en plus, ses visites alterneront entre l’Europe et Baie-Saint-Paul, un petit village québécois situé dans la région de Charlevoix. Ce dernier deviendra le sujet de prédilection de l’artiste. Gagnon y développe un style unique de paysages, illustrant un monde hivernal composé de vallées et de montagnes, de contrastes frappants de lumière et d’ombre, aux couleurs vives et aux lignes sinueuses. Il donne vie à ses toiles grâce à des couleurs chaudes qui transmettent l'ambiance climatique des paysages. Il s’intéresse également à la beauté des gestes des habitants qui accomplissent leurs tâches quotidiennes, mettant ainsi à l’honneur les traditions populaires rurales québécoises de la fin du XIXe siècle. Sa palette se compose de blancs, de rouges, de bleus et de jaunes purs.

La "Carriole rouge" est un des tableaux les plus représentatifs du travail de Clarence Gagnon. Il s’agit d’un paysage hivernal tout simple que l’artiste contemple du haut de la colline, en entraînant l'observateur que nous sommes avec lui. En effet, on se laisse vite laisse prendre à emprunter le chemin sinueux, formé par la longue ligne courbe qui traverse l’œuvre. Au milieu du chemin, une carriole rouge apporte de la vie et du mouvement, alors qu’elle se dirige vers la maison de campagne traditionnelle et le village. Peinte en rouge et jaune, la maison donne une impression de chaleur et de confort, avec sa réserve de bois de chauffage bien cordé à droite. Les quelques conifères dressés derrière la maison apportent également un élément de longévité et de solidité. Le vert foncé des arbres plus proches, comparé aux différentes teintes de bleu de la forêt montagneuse qui s'éloigne en donnant forme à la baie, contribue à l’effet de profondeur.

De la même manière, la dimension de l’édifice central, plus proche, face aux minuscules maisons du village, au bas de la pente, crée une perspective. Le voyageur en carriole a encore bien du chemin à faire pour se rendre à l’église qui, comme dans tous les villages québécois, se dresse au centre du hameau et peut être aperçue de loin. Ce village typique apparaît blotti paisiblement sur les bords du fleuve Saint-Laurent. La baie recouverte de glace, que l’on reconnaît aux différentes teintes bleues et blanches, conduit encore le regard vers le large. Le bleu et le blanc plus éclatant révèlent les magnifiques montagnes de Charlevoix qui semblent réer un horizon qui se fond avec la banquise. Sur la plus proche montagne, la forêt se distingue sous des traits de pinceaux ligniformes; sur la plus éloignée, les masses blanches découpées avec des lignes courbes recouvrent un bleu plus pâle évoquant la forêt sans la définir. Dans l’ensemble de l’œuvre, la lumière diffuse et l’absence d’ombrage équilibrent l’impression de profondeur, comme le ciel éloigné qui ramène le regard de l'observateur à l'avant-scènce en reprenant les teintes de la maison et du chemin.

L’œuvre de Gagnon me rappelle que nous n'avons pas besoin de parcourir de longues distances ni de rencontrer des événements extraordinaires pour trouver Dieu. Il est là où nous sommes, dans ce que nous avons et dans ce que nous vivons, même le plus anecdotique. Il est dans les personnes que nous aimons, et dans celles que nous devons encore aimer. La présence du Christ se trouve aussi tout autour de nous, dans ce qui est proche et familier. En ce dimanche d'été, nous sommes invités à redécouvrir notre ordinaire avec un regard neuf, puisque c’est d’abord là que le Christ nous donne rendez-vous.

Bon dimanche!

Claude Pigeon

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